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Témoignage de Jojo

Le 6 décembre 2001

Chère Blanche,

J’ai mis 1heure 30 à composer mon témoignage, je ne pensais pas mettre autant de temps à l’écrire. Mon conjoint dort, ma chatte « Belle » tourne en rond pendant que moi, j’essaie de garder les yeux ouverts. Blanche, je me sens calme tout à coup! Depuis hier, une voix intérieure me disait que je devais écrire ce témoignage, que tu ne me demandais pas pour rien de l’écrire. Les jours qui viennent passeront doucement, c’est drôle mais je me sens plus légère ! Merci et à bientôt.

Et si j’allumais ma lampe

Je ne me souviens pas quand la violence a commencée, j’ai oublié! Je l’ai côtoyée souvent, je la connais. Je ne m’en vanterai jamais ! J’ai été adoptée à 6 mois par un père violent qui me battait et par une mère qui me dénigrait et me dévalorisait. J’ai vécu, durant mon enfance et mon adolescence, dans la peur constante des coups. Ma mère répétait souvent : »Son p’tit caractère, on va y casser! » Dans mes veines coulait le sang de mes parents biologiques, je ne ressemblais pas à mes parents adoptifs, ils n’acceptaient pas l’enfant que j’étais. Ils souhaitaient que je devienne comme eux, que je me fonde dans leur moule. Mais on ne casse pas un caractère par contre, à force de coups, on peut briser quelqu’un, ils m’ont brisé!

Presqu’à tous les soirs, mon père entrait dans ma chambre pour me frapper, il ne supportait pas mes pleurs ni mes supplications. Je souhaitais seulement qu’ils acceptent de laisser ma lampe de chevet allumée parce que j’avais affreusement peur dans le noir. Je revois encore ses yeux remplis de rage alors qu’il entrait dans ma chambre. J’essayais toujours de lui échapper mais toujours vainement. Il me déculottait et il frappait. Des coups de pied dans le dos, j’en ai reçus souvent, trop souvent. Lorsqu’il se levait la nuit, je l’entendais et j’imaginais qu’il allait me tuer ou même, tuer toute la famille, c’était horrible !

Le pire moment de ma vie, je l’ai véçu à 17 ans. Ce soir là, mon père hors de lui, me frappa si violemment que, pour la première fois, ma mère cria : »lâches la, tu vas la tuer! » C’était une pluie de coups, je ne me souviens pas de tout sauf qu’il me traîna jusqu’à ma chambre en me ruant de coups. J’ai réussi à fuir la maison en criant et en pleurant. Ce soir là, j’ai vomi mon souper à côté d’une boîte aux lettres. Non seulement il me faisait peur mais il me culpabilisait en utilisant la religion catholique et les commandements de Dieu. Il me répétait souvent que je lui rendais la vie amère! Très souvent il me disait que j’avais eu bien de la chance d’être adoptée par eux parce que j’aurais pu être tombée sur une mauvaise famille…tu parles!

Un jour il me dit : »t’es orpheline. » ses paroles résonnaient en moi, je réalisais tout à coup qu’effectivement, j’avais été abandonnée par ma mère biologique et un grand sentiment de solitude m’envahit. Il alla même jusqu’à dire à ma belle-mère, il y a 5 ans, une phrase qui me blessa profondément : »ça, c’est pas notre fille. Notre fille habite à Montréal. » Il parlait de ma soeur, sa véritable fille.

À 20 ans, j’ai été agressée dans un taxi, le chauffeur a essayé de me tuer en m’étranglant mais j’ai survécu, à sa grande surprise! En entrant chez moi, en voyant les traces des doigts de mon agresseur sur mon cou, j’ai pensé qu’il aurait mieux valu que je meurs, je me demandais comment j’allais faire pour continuer à vivre avec un tel souvenir. J’ai mis bien du temps avant de me confier à quelqu’un, j’avais peur du jugement des autres.

En 89, je consultais un psychanalyste qui m’abusa sexuellement après 4 ans de thérapie. Il me fit promettre de ne pas divulguer notre secret. J’aimais beaucoup mon thérapeute, il représentait le père idéal, celui tant manqué! J’ai tremblé de peur très souvent, j’ai fui et pleuré jusqu’au désespoir! Marijuana, alcool et sexe me permettaient de fuir ma souffrance intérieure. On ne fuit pas inlassablement, à fuir, on se fatigue.

Mon corps, source de souffrances, je le détestais, c’était l’exutoire de mon père. J’étais grosse, seule ma graisse lui plaisait ! J’ai maigri, tellement maigri que je me privais de nourriture, je détestais ma graisse autant que mon corps. Je ne m’aimais pas, je ne me sentais pas aimé, je me sentais de trop! J’ai appris à me taire, à éviter les coups et à fermer ma « gueule »…oui, gueule comme le disait mon père lorsque je pleurais.

Je me méfie des gens, j’évite même les sorties et je me défends mal. Il m’est très difficile de me sentir aimé et apprécié et ça me surprend quand une personne dit m’aimer. Les paroles douces me font mal! Je me sens très gênée lorsqu’un médecin me touche pour un examen, j’ai toujours peur même s’il s’agit d’une femme. Je n’aime pas qu’on me touche. Je ne désire même plus mon conjoint sexuellement et je ne sais pas pourquoi. Il patiente, il m’aime mais ça m’inquiète. J’ai la certitude que si mon père ne m’avait pas « tapoché » comme il l’a fait, que ma vie aurait été bien différente, il a tout gâché!

J’ai 45 ans, j’éprouve divers ennuis de santé. Le pire, c’est la fibromyalgie parce que mon corps me fait toujours mal. Ce corps, l’exutoire de mon père, de mon thérapeute et du chauffeur de taxi n’est que souffrance et pourtant j’essaie de me relever malgré tout. J’ai confiance, je conserve l’espoir que j’allumerai ma petite lampe intérieure pour me sécuriser et vivre sans peur. Enfant je voulais que mes parents allument ma petite lampe de chevet dans ma chambre pour être en sécurité. C’est à moi maintenant d’allumer la lampe… personne ne me battra, je ne me sentirai pas menacée, personne ne crira et je n’aurai plus peur! Ce jour n’est pas si loin!

Jojo

Merci Jojo pour ton témoignage! Je te souhaite de te laisser éclairer, guider et réchauffer par la lumière de ta lampe intérieure. Alors tu sauras vraiment parcourir ton Chemin de Vie, te GUÉRIR de ces blessures qui te font souffrir… et tu te permettras enfin de VIVRE… Tu as tout le potentiel nécessaire pour y parvenir… Étape par étape… à ton propre rythme… Tu y parviendras… Fais-toi confiance! Blanche XX