Le 2 janvier 2004

Je ne sais pas si j’ai moi-même vécu l’inceste. Mon corps souffre depuis toujours migraine, mal de dos, nausées, blocage sexuel.

Le 1 avril 2003, ma mère s’est suicidée et depuis je vis un cauchemar où les doutes font place aux certitudes et vice-versa.

En 1998, mon frère me dit d’éviter d’envoyer mes enfants chez nos parents. Je comprends sans comprendre. J’avertis mes enfants de se méfier des adultes même les adultes familiers mais je ne parviens pas à aller plus loin. Il faut dire que depuis 1995, ma mère est dépressive et suicidaire et qu’elle nous a persuadé que la cause en était l’ingratitude de mon frère qui avait quitté le giron familial.

Je ne savais pas alors que tout a commencé quand mon frère a reproché à ma mère l’inceste qu’elle lui avait fait subir lorsqu’il était enfant. En 1999, mon frère a son premier enfant. Il dit à ma mère qu’elle ne l’approchera pas. Elle fait une grave tentative de suicide et tombe dans le coma phase 3. À cette époque j’en ignore la raison… Ma mère m’explique que mon père est trop casanier… que sa vie n’est qu’ennuis… Je la crois ou plutôt, j’ai besoin de la croire. Depuis 1998, je commence à comprendre avec des phases de déni.

En 2000, alors que ma mère me demande pour la énieme fois pourquoi mon frère refuse qu’elle garde sa fille, je dis la vérité… Elle nie, ajoutant que mon frère a toujours été un menteur. Je lui dis que mon frère ne ment pas puis que je me souviens de ces scènes d’enfant. J’ose enfin lui demander s’il s’est passe quelque chose entre elle et mon fils. Elle nie et m’avoue croyant me rassurer qu’elle a « juste » bu son urine. Je crois devenir folle, mais je garde mon calme. Je veux savoir si elle a touché aux autres enfants. Elle m’explique d’une tendresse normale d’une grand-mère pour ses petits-enfants (elle se fait toucher les seins , téter et quoi d’autres?!)

Je lui explique qu’on n’a pas le droit de faire ça à un enfant qui ne peut refuser. Elle me rétorque calmement qu’ils ne peuvent pas souffrir puisqu’ils sont trop petits pour se souvenir. À ce moment-là, elle s’approche de ma fille et l’embrasse sur la bouche en me regardant d’un air moqueur. Je deviens folle et je l’insulte… Mon père, comme à son habitude, se sauve et s’enferme dans sa voiture. Par la suite ma mère a monté toute la famille contre moi… Puis j’ai fini par renouer les ponts en lui interdisant d’être seule avec le bébé que je venais d’avoir. Elle a osé me le reprocher…. En 2001 puis en 2002 nouvelle tentative de suicide. À chaque fois, nous oublions… et nous la plaignons… En 2003 lorsqu’elle réussie son suicide, je tombe dans une culpabilité terrible. Je regrette d’avoir parlé… Mon père m’accuse d’avoir tué ma mère et je le crois! Un mois après sa mort, j’ai commencé une analyse mais c’est dur même si je comprends à quel point je suis dans une dépendance affective tout droit issue de l’inceste.

Je ne voulais pas que ma mère meure… Je voulais juste qu’elle reconnaisse ses actes. En 2001, suite à sa tentative de suicide, je lui ai même dit que j’étais prête à passer l’éponge sur ce qu’elle avait fait… Qu’elle devait se soigner… Qu’elle avait dû être elle-même victime. Elle a nié et m’a à nouveau rejeté… J’ai donc cessé d’en parler!
Je sais Blanche que votre père s’est suicidé lui aussi… Comment comprenez-vous ce geste? Ont-ils regretté? Ont-ils voulu qu’on les perçoive comme des victimes? Ont-ils refusé par ce geste d’avouer leur forfait?

IL ME TARDE DE COMPRENDRE ET DE POUVOIR VIVRE AVEC MON MARI ET MES 3 ENFANTS.

Anonyme

Chère Anonyme, j’aimerais avant tout que tu imagines que je te donne un tendre Big hug! Tu en a tellement besoin… Je voudrais aussi te remercier de ce témoignage si touchant… De ce que tu nous partages… tu as vécu dans un milieu incestueux, dysfonctionnel… Les maux que tu décris… sont des symptômes que nous retrouvons chez les personnes qui ont vécu des abus sexuels… À toi d’investiguer davantage pour découvrir si réellement tu as vécu l’Inceste. Le corps a sa propre sagesse. En étant à son écoute, tu auras toutes tes réponses… Prends soin de toi et de tes enfants… Va chercher l’aide nécessaire pour vous tous… Afin de vraiment briser ce pattern d’INCESTE.

Oui, je sais, que ça fait mal d’entendre dire de telles paroles de la bouche de son propre père… Ça fait mal de voir que l’on REJETTE la responsabilité des gestes posées par ta mère, SON SUICIDE sur ton dos… À ce sujet, comme conseil, je te dirais… accueilles en toi cette culpabilité… mais sans tourner dedans (c’est ce que l’on fait lorsque nous sommes fixés dans le rôle de la Victime en soi). Laisses vivre… et accueilles… sentiments, émotions et sensations corporelles qui est rattachés à cette culpabilité… Et tu verras… peu à peu… tu te détacheras de cette culpabilité… Probablement que tu auras besoin de l’aide professionnelle pour parcourir ce Chemin d’Intégration… de libération…

Concernant les questions posées sur le suicide de mon père et celui de ta mère… Les réponses peuvent très bien se trouver dans les questions elles-mêmes… Toutefois, j’ajouterais… qu’ils n’avaient probablement pas la capacité de faire face à leurs propres gestes abusifs… à leur propre réalité… et tout ce que cela comportait…

Voilà chère Anonyme… Pour terminer, tu n’as pas à comprendre… Tu n’a qu’à intégrer (Vivre consciemment) tes émotions, tes sentiments, tes sensations corporelles… et ce n’est qu’alors, tu en SAISIRAS… les réponses… Un autre Big Hug pour toi… BlancheXX