Le 5 juillet 2001
Bonjour Blanche
Dès ma naissance mon calvaire a commencé, je ne devais pas vivre, j’étais malade et condamnée. Nous étions 2 bébés avec la même maladie, Eric mon frère n’a pas survécu. Je sais depuis peu que j’avais un frère jumeau et depuis je ne sais pas vraiment quelle place j’occupe. Dès la naissance la dépossession de mon être a commencé.
Mes parents m’ont nié de suite, pendant 3 mois j’ai vascillé entre la vie et la mort, et aujourd’hui je suis encore là. Mes parents ne m’ont pas investi dès ma naissance, pour eux je n’existais pas. J’étais morte. Alors c’est ma grand-mère qui s’est occupée de moi pendant les 3 premières années de ma vie. Très certainement heureuse (je ne m’en rappelle plus très bien). J’étais encore à cette époque une enfant comme les autres.
Un beau jour tout a basculé, je suis repartie vivre chez mes parents, mes grands-parents ne pouvant plus me garder. Plus de repère, plus rien, le néant. Mon père a commencé à me prendre pour cible. Je n’étais plus un être humain, mais simplement une chose que l’on utilise pour se défouler. L’inceste n’est pas venu de suite, avant il y a eu les coups, les humiliations, la dégradation de tout mon être. Mon père m’a ficelé lentement et sûrement dans le dégoût de moi-même. Etait-il fou? Il croyait à l’ordre et à la discipline. J’ai été torturée, dominée. Il m’ a arraché ma personnalité. Il avait réussi à faire de moi comme il disait, un déchet de la nature. Un déchet terrorisé, un prisonnière, un être sans défense. Il avait un pouvoir de vie ou de mort sur moi. Des images affreuses sont toujours présentes.
J’ai aujourd’hui 40 ans et mes peurs d’enfants sont toujours là. Le noir me fait peur. Il m’enfermait des heures dans la salle de bain. C’était horrible. Mes yeux cherchaient désespérement une lumière, mais hélas rien, rien que du noir. A ces moments, je m’isolais dans ma tête, je pensais très fort à mes grands parents, au sourire de ma grand mère. A travers cette porte de salle de bain, au fond, je savais tout ce qui se passait. L’écoute, c’était la survivance. Ma vie se limitait au mur, au radiateur où il m’attachait. Tous les bruits que j’entendais, me faisaient vivre, comme si je participais à la vie des autres , à l’extérieur. Il a été souvent question de nourriture. Je ne mangeais pas à table avec eux. Je devais manger ce que lui m’emmenait.
Je ne peux pas vous dire ce que j’ai pu avaler, mais c’était infect. Lorsque je vomissais toute cette merde, il me la faisait ravaler. Très souvent, il remplissait la baignoire d’eau et m’enfonçait la tête, j’ai bien essayé de me débattre mais rien ne changeait. J’ai souvent cru que j’allais mourir noyé. Il inventait au fur et à mesure que sa colère augmentait. C’était terrible. Jamais je n’ai pleuré devant lui, jusqu’au jour où il abusé de moi. A ce moment précis j’ai perdu les commandes de mon cerveau. J’avais huit ans, ce moment là je ne l’oublierais jamais, tout s’est passé dans la violence.
Il m’a d’abord demandé de me mettre nue. Je tremblais. Mon corps était une brindille fragile qui pouvait se casser à tout moment. Les larmes montaient. Il rigolait de me voir nue, se moquait de mon apparence. Il m’a retourné une grande claque, je suis tombée à terre. Pour me relever il m’a prise par les cheveux et m’a jeté sur le matelas qui me servait de lit, et là je suis morte. Il m’a pénétré viollemment. J’avais mal. Je voulais crier. Je ne pouvais pas. C’était terrible. Je vous passe les détails.
Tous les viols se sont passés dans la violence la plus extrême. A dix ans il me sodimisait, me faisait boire de l’alcool. Je ne m’appartenais plus. J’étais dépossédée de tout mon être. Et puis vint le jour où tout cela ne lui suffisait pas. Régulièrement j’étais violée par son copain. La mort en direct. Mon corps n’était qu’une plaie. A quinze ans je faisais ma première tentative de suicide, par pendaison. J’étais chez mes grand-parents,j’avais tout préparé depuis des mois. J’étais comme sur un nuage, je savais que tout allait bientôt finir. Hélas mon grand-père n’était pas dupe. Il a fait semblant de partir travailler. J’étais seule (enfin je le croyais). J’ai tout mis en place, la corde, la petite caisse pour me monter au plus près de la corde. J’ai introduis ma tête dans le nœud coulant et j’ai donné un grand coup de pied sur la caisse, je me suis balancée au bout de cette corde d’un seul coup. J’ai aussitôt senti des bras qui m’enlaçaient les jambes et qui me remontaient pour que je respire. C’était mon grand père, il hurlait enlève cette corde, enlève cette corde je l’ai écouté mais je n’étais plus moi même. J’avais atteint le sommun dans la souffrance. Mon grand-père pleurait et moi j’étais comme un zombi. Les viols , les maltraitances ont continué ensuite, je ne m’appartenais plus.
Aujourd’hui les images horribles de mon enfance sont toujours là. Parfois je n’arrive pas à les gérer, alors je m’en prend à moi. Je peux être violente envers moi-même. Pendant des années je me suis lavée à l’eau de javel, très franchement j’étais décapée, mais je voulais enlever toute cette souillure immonde, toute cette crasse. J’ai cessé depuis que je suis une thérapie.
En ce qui me concerne, j’ai toujours su que je pouvais mourir des mauvais traitements que je subissais, je savais également que je pouvais mourir de cette vérité que je portais, que je camouflais pour sauver ma famille. Je savais que cette vérité était un explosif, un danger permanent. Alors pendant des années j’ai accepté d’être traitée pire qu’un chien, parce qu’il fallait sauver la face. Je crois qu’au fond de moi, je pensais qu’en acceptant ces mauvais traitements mes parents m’auraient un peu aimée.
- se taire et faire comme si jamais rien ne s’était passé
- se taire et ne pas chercher à comprendre
-se taire pour SURVIVRE
Mais maintenant je commence à comprendre tous les mécanismes que j’ai mis en place pour sauver ma vie. Je ne peux plus taire. Ce n’est plus possible. Je dois parler de la faute de mon père, car je suis bien placée pour le faire. J’ai vu du haut de mes huit ans, ma vie basculée dans un abîme profond le jour ou il a transgressé un interdit. Le jour ou il a décidé de faire de moi son jouet sexuel. Alors c’est à moi de transgresser les interdits maintenant, ou je parle, ou je crève. Je veux regarder la réalité calmement en face. Je ne pardonnerais jamais à mes bourreaux. Je ne ferais jamais la paix avec ceux qui m’ont mise au monde et qui m’ont fait autant souffrir. Jamais je n’oublierai toute cette violence. Je veux maintenant parcourir mon histoire sans RIEN OUBLIER, MAIS DANS LA PAIX. Cela me prendra du temps, mais pour me reconstruire je dois passer par là.
Amitiés
Pascale
Quel poignant témoignage d’une réalité morbide! C’est vrai qu’il faut du temps pour se reconstruire… J’ajouterais que pour parcourir ce chemin, nous devons avoir beaucoup de compassion envers soi-même. Bien sûr la patience, la persévérance et la foi en notre potentiel créateur, serviront à atteindre cet objetif vital et prioritaire. Je suis bien placée pour en témoigner… J’aimerais te dire Pascale que je suis de tout coeur aves toi dans cette démarche. Sers-toi de cette rage qui t’habite et laisses-là prendre VIE en toi… Intègres-là de façon consciente et constructive. Alors cette colère se transformera en une BELLE ÉNERGIE. C’est la VIE qui se fraye un CHEMIN à travers tes blessures. La colère intégrée ainsi que toutes les autres émotions et sentiments liés à tous ces abus, te porteront vers une nouvelle naissance. BON COURAGE!
Je vous invite à visiter le site de Pascale. Un site qui s’adresse aux enfants et adolescents qui sont (ou ont été) victimes de maltraitances (« mal-traités »). Un site riche d’informations, même pour les adultes qui sont concernés de près ou de loin par de tels abus. Blanche