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Témoignage de Karen

 

Le 23 juin 2004

Bonjour Blanche,

Je sais que tu as autre chose à faire que de lire mes quelques textes. Je sais que tu as un emploi très chargé et une famille à qui porter soin… Mais là j’ai besoin de dire des tas de choses, et je ne sais pas en qui je peux avoir suffisamment confiance autre que toi…

Un brin de mon histoire

Pour tout dire ma mère devait être stérile, donc pas d’enfant en vu…

Toutefois, à sa grande surprise, elle a apprit après trois mois de grossesse qu’elle attendait un enfant. L’angoisse fit alors son apparition. D’abord, elle trompait son petit ami. Par conséquent elle ignorait qui était le véritable père. Alors elle a voulu se faire avorter ! Mais bon pour une raison qu’elle-même ignore, elle a gardé l’enfant, Moi. Ceci dit, je crois que comme elle croyait qu’elle n’avait aucun potentiel, elle avait au moins celui de donner la vie. (Finalement son petit ami c’était mon père. D’ailleurs ils sont toujours en couple)

Un autre problème la dérangeait un peu, celui de sa consommation de drogue (cocaïne)…

Bref, elle a accouché… Elle était heureuse d’avoir un enfant à elle.

Quand j’étais plus jeune, mon père travaillait souvent 18 hrs ou plus par jour. Et même que des fois, il ne rentrait pas coucher… Il demeurait là où il travaillait ( Il est peintre en bâtiment). Toutes ces heures de travail seulement pour payer sa consommation et celle de ma mère. Mais comme il ne rentrait pas toujours et ma mère l’attendait pour sa consommation, tu comprendras que l’impatience qu’elle avait face à lui , la rendait impatiente face à moi. Alors si je pleurais… j’avais droit à la douche à l’eau froide et quelques tapes.

Vers mes trois ans et demi, elle s’est fait opéré au niveau lombaire car son ex petit ami l’avait fait passer au travers d’un mur jusqu’au tuyau de la douche. C’est alors que j’ai développé des comportements dis « parentifiés » Je devais aider ma mère à s’habiller et même à prendre sa douche, à attacher ses souliers et l’aider à préparer les repas. Mais en plus, j’ai dû la consoler de ses pleurs car mon père n’était pas arrivé à l’heure comme toujours. J’ai dû aussi l’aider à se contrôler parce que elle se frappait contre les murs etc.

À mes 5 ans, j’ai débuté la maternel ! Wow! Enfin j’avais du temps où je ne me sentais pas en danger, et où j’avais des activités pour mon âge… J’ai adopté la maîtresse comme si c’était ma mère. Je crois que j’aurais été vivre avec elle, si elle me l’avait demandé… Ensuite pendant cette même année, j’ai fait connaissance avec le monde adulte. Ma mère a finalement décidé qu’elle allait arrêter de consommer! Ma grand-mère maternel a donc accompagné ma mère dans ses meetings, puisque les parents de ma mère venait de décéder. ( sa mère d’un infarctus, son père d’un suicide et sa sœur d’un suicide aussi, le tout en 7 mois. ). Alors comme mon père ne pouvait pas me garder pendant ce temps car il y allait aussi, c’est mon grand-père paternel, handicapé la moitié du corps pour cause d’un ACV.

Au début il me gardait comme tout le monde garderait une enfant de 5 ans. Mais par la suite il m’a conduit dans l’interdit, dans le monde des adultes. Il m’a volé mon innocence… Il m’a violé… Tout ça a commencé dans le salon. Il disait que c’était notre jeu, notre secret, que je ne devais pas le dire à personne, et que ma mère serait fâchée car si je le disais… je désobéissais… et je devais écouter les adultes ! Alors il a commencé par me toucher… Cela est resté ainsi pendant un bon moment. Ensuite plus tard, un autre jour, il m’a mis la main sur ce truc… Il m’a appris comment jouer avec !… Ensuite il m’a aussi apprit comment jouer à ce même jeu mais avec ma bouche. Un jour il a laissé ce liquide s’écouler dans ma petite bouche d’enfant. C’était dégueu… Il m’a dit avale, ce n’est que du lait ( au fait depuis je ne bois plus de lait sauf au chocolat ! ) Enfin il m’a tout apprit séparément les étapes à suivre et ensuite il m’a apprit à les faire toutes ensembles. Puis lui, il jouait à me toucher, à entrer ses doigts en moi… Je crois qu’il connaît mieux mon intérieur que moi ! Tout ça a duré deux ans et demie. Moi qui était élève modèle, en troisième, je suis devenue l’élève turbulente, je frappais les garçons et je jetais les bureaux par terre… Je leur lançais les chaises…

Au fait, j’allais oublié… Cela s’est arrêté lorsque mon petit voisin à qui je m’étais confié a vu une émission avec sa mère et qu’il a apprit que cela était mal, alors il l’a dit à sa mère, et elle à la mienne. La mienne m’a fait un interrogatoire dont je me souviens très bien… Des questions comme : « Est-ce que quelqu’un a déjà mis ses mains là où tu fais pipi ? » etc. J’ai passé un bon moment à tout nier. Mais à un moment, j’ai cédé et j’ai dit: « Oui, c’est vrai ! » Mais bon cela n’a pas changé grand chose… Outre, le fait qu’on m’a emporté à l’hôpital voir un médecin. J’étais « correcte ». Ensuite on m’a emmené chez lui… Il s’est excusé et moi aussi j’ai dû m’excuser… Enfin, c’est con quand même… Moi, j’ai dû m’excuser… Mais j’écoutais tout ce que ma mère me disait à cet âge là… Alors je l’ai fait. Ensuite un an s’est écoulé avant que je doive retourner chez lui. Ma mère m’a ramené chez lui. Je voulais pas mais bon pas le choix à cet âge là.

8 ans… C’est un voisin qui à son tour a profité de mon corps d’enfant… Mais après tout, je n’étais plus une enfant… Du moins pas dans mon esprit et pas dans mon cœur. Il m’a violé, dans l’entrée de sa maison. Retour à l’hôpital… ils ont vu des rougeurs anormales qu’ils ont liés à cet événement. Ce garçon était pourtant encore jeune pour ça… Il avait 15 ans, je crois… Lui, ma mère a téléphoné la police, mais sans plainte réelle. Seulement la demande qu’il doive se tenir loin de moi et donc déménager…

Ensuite 9 et 10… d’autres viols, mais ceux là venaient d’un garçon de 16 ans. Il me gardait , il était « baby-sitter »… Mais lui ne l’a pas fait seul, il l’a fait avec ses deux amis… Ils l’ont fait dans mon salon, dans ma chambre, dans les toilettes, dans des toilettes publiques ainsi que dans une hôtel. Imagine juste un peu l’image : tandis que je faisais une fellation à un, je masturbais l’autre et un autre entrait ses doigts en moi !!!!!! Aie là je suis à bout, mais je ne veux pas arrêter je n’ais jamais tout dis comme ça… Mais je n’ais pas su le dire à ma mère. De toute façon moi et elle, étions chacune dans nos mondes. Elle, elle avait déjà ses maux à s’occuper… Même maintenant, elle ne le sait pas ! Elle l’a mit dehors parce qu’il m’a fait fumé la cigarette et a presque mit feu à la maison

Ensuite, j’ai eu droit à un répit, à la maison. J’y était presque plus. J’étais toujours sortie… Donc avec ma mère c’était ok, et plus de viol… C’était le paradis ! Mais cela ne pouvait pas durer éternellement … Secondaire 1, …12 ans. Par un matin où j’ai sorti le chien, ma mère m’avait dit que je devais rentrer s’il pleuvait, alors que j’allais faire un tour de « bloc » à mi-chemin. Il s’est mis à pleuvoir, alors j’ai continué dans le sens où j’allais et moi et le chien sommes arrivés trempés…Ma mère , fâchée, n’a pas voulu savoir que j’étais à mi-chemin alors elle voulait me taper les « fesses » comme quand j’étais plus jeune, mais j’ai refusé de retirer mon pantalon et mes sous-vêtements. Alors elle les a arrachés , et a essayé de me taper, mais elle n’y arrivait pas, alors elle m’a mis nu dehors, aux yeux de tous. Sur le coup je n’ai pensé qu’à une chose me cacher, j’ai donc filé chez mon grand-père (on venait de déménager à l’été juste en bas de chez lui. Évidemment personne n’a pensé que cela pouvait me déranger !) Je suis entrée chez lui nu ! Heureusement il m’a juste remis de quoi me couvrir. J’ai resté caché là pendant un bon moment. Puis ensuite, ma mère m’a parlé au téléphone. Elle m’a promis de ne pas me frapper et de me laisser aller à l’école. Comme si j’en avais envie d’aller à l’école. À reculons j’y suis pourtant allée, mais j’ai éclaté en sanglot devant le bureau du psycho-éducateur à qui j’ai tout raconté sans me retenir. Il m’a ensuite emmené voir la travailleuse sociale à qui j’ai raconté ce qui venait d’arriver…

Bref, pendant un an, elle m’a suivi… Puis l’année suivante après 2 signalements non-retenus… Puisque là, il y avait des traces de coups, les centres jeunesses ont pris mon cas en charge.

14 ans, 10 septembre 2001 dans la nuit vers le 11 sept. Ma mère avait fait sa X ième tentative de suicide et mon père avait disparu quelque part… Et elle, elle l’attendait. Alors elle m’a dit d’aller voir s’il n’était pas dans un bar en train de jouer dans une machine de loto Québec ( hé oui à part être toxico et alcoolo, il est joueur compulsif). C’est donc vers minuit, que je retournais à la maison, sans mon paternel. Toutefois au coin de la rue, je l’ai aperçu avec son copain (que j’appréciais beaucoup, pour m’avoir souvent protégé contre les coups de ma mère) Celui-ci était ivre. Mon père avait dépensé son argent et ne pouvait se permettre de se payer un taxi. Alors on est parti avec son ami. Arrivé à l’hôpital mon paternel m’a demandé de rester dans l’auto, un Dodge Dakota Sport Rouge. J’y suis restée, et son ami m’a consolé car je n’allais pas bien du tout… Alors j’étais dans ses bras… tout à coup il a mis ses mains dans mon chandail ! Il m’a touché… Merde quel connerie il a fait. En plus, il m’a embrassé avec sa langue avec ce goût d’alcool qui me revient à la bouche à l’instant même. Mon père de retour, il a arrêté… De retour à la maison je n’ai pas dis un mot, je me suis enfermée dans ma chambre. Le lendemain mon père me laissait pour 3 jours seule, car il s’en allait à Ottawa. Alors j’ai donc tout raconté à ma travailleuse sociale scolaire, qui a alors contacté celle de la DPJ. Ne voulant pas me laisser seule, elle m’a obligé à demeurer chez mes grands-parents paternel jusqu’au retour de mon père. Tu imagines aller vivre chez celui qui a été le premier a te salir après venir de se faire salir à nouveau !!!! pffffff

Mon père est revenu et je ne lui ai pas dis.. La travailleuse sociale non plus d’ailleurs, elle a respecté mon choix. Un mois plus tard avec mon autorisation, elle l’a dit à mes parents. Bon quelques mois plus tard ma mère a recommencé à vendre de la drogue… J’ai passé le 23-24-25-26 décembre seule ! Et ensuite les 30-31-1-2 janvier ! Et puis, c’est le 21 janvier après les menaces de ma mère de me frapper que je me suis enfuie et que j’ai demandé à être en famille d’accueil… Je suis restée dans ce que l’on appelle une famille d’accueil spécifique temporaire, pendant 7 mois. J’y étais bien… C’était des gens que je connaissais depuis 5 ans. Ils étaient bien… Ensuite je suis allée en vrai famille d’accueil. C’est aussi bien ici, mais je les connais moins… ( C’est pas pour me plaindre mais je commence réellement à avoir mal aux mains à force de taper).

Tout s’est bien passé ici. Bon c’est sûr que là j’exclus la situation de janvier 2003… Un de mes « copains » de classe est venu dans mon petit refuge dans un boisé avec moi. Tout près de l’école… et puis je crois que tu connais la suite… J’aurai voulu crier mais j’étais plus là… J’étais dans un autre monde. J’aurais voulu le frapper mais j’étais paralysée. Je m’en veux de ne pas avoir été capable de faire quoi que ce soit. Je dois avouer que de se faire violer , dehors à –25 degré celcius, c’est pas super… En résumé, j’ai dû lui faire: fellation, masturbation. Il a tenté la pénétration mais j’étais tellement contractée qu’il n’a pas réussi… Il m’a aussi pénétré avec ses doigts (génitale)…

 

Évidemment, j’ai oublié certains points que je vais t’énumérer ici :

  • L’automutilation (que je contrôle plutôt bien)
  • Un peu d’anorexie … (je me suis privée de nourriture pendant un bon moment, mais là c’est correcte… Je me force un peu, mais je mange normalement « trois repas par jour »
  • Tentative de suicide ( avec des médicaments)
  • Problème d’insomnie (c’est assez compréhensible)
  • Sinon, ben j’ai pas dis que ma mère est suicidaire, maniaco-dépressive, ex-prostituée, toxico et violé plusieurs fois par de nombreuses personnes…
  • Je devrais préciser que ma mère a également vécu l’inceste, de la part de son père
  • Et j’ai aussi pas dis que pendant mon enfance, j’ai pas eu vraiment d’affection … de la part de ma mère : parce qu’elle avait peur de me toucher ayant peur de faire de l’inceste … même qu’elle me rinçait avec une tasse à mesurer Pour mon père : parce que ma mère lui a fait une crise de jalousie …

 

Depuis le 30 janvier 2004, je suis de retour chez mes parents. La DPJ a fermé le dossier et mes parents ont recommencé à consommer… Bref, c’est pas l’idéal.

Ouf! Je me sens à la fois le cœur plus léger, mais il y a aussi tant d’images qui défilent. Bon aller hop je dois aller au dodo je dois me lever dans 6 heures pour aller à l’école.

Merci pour le temps que tu m’auras consacré en lisant tout ça !!

Merci Infiniment!

Karen –xxx-

 

Chère Karen, avant tout, j’aimerais te dire de nouveau que je te porte dans mon Coeur. Que douleurs que tu a enduré… que de souffrances que tu as encore à vivre… Tu es prise dans un pattern d’abus qui se répète de génération en génération… malgré la DPJ qui est venue dans le décor de cette vie abusive pendant un certain temps… Oses encore demander de l’aide… Cris jusqu’à ce que l’on t’entende réellement…

Que de courage tu as eu de m’écrire et de me partager cette terrible réalité… Ne désespères pas… Reste confiante malgré tout! Fais les exercices thérapeutiques que je t’ai proposés de faire… cela t’aidera sûrement… S’il le faut… relie… et relie Le secret de Blanche, pour y puiser espoir et dynamisme de vie…. Bientôt, tu seras majeure… et tu pourras prendre davantage la maîtrise de ta vie… Aller chercher l’aide dont tu as besoin pour entreprendre un processus de guérison en profondeur… Retrouver ton POUVOIR PERSONNEL… Découvrir , apprivoiser et honorer la jeune femme que tu es… BIG HUG! BlancheXXX