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Témoignage de Juliette

Parfois, l’inceste entre frère et soeur est plus dommageable qu’on peut le croire… Ici, Juliette partage son mal de vivre lié aux abus incestueux subis avec son frère dès l’âge de 7 à 13 ans. Sa mère a vu… et n’a rien dit… n’a rien fait… Et les abus ont continué de se perpétrer… Emprisonnée dans le mur du silence, elle vit l’impuissance, la soumission, le désespoir… et la confusion car lors des abus, elle ressent du plaisir… ce qui la déroute… Devenue adulte, Juliette est consciente de ses problèmes dans ses relations affectives et sexuelles, qui ont un lien avec ces abus incestueux. Marié à un homme froid, contrôlant, intimidant, irrespectueux, elle remet en cause son mariage, sa relation de dépendance face cet homme. Merci Juliette d’avoir osé t’exprimer ici… Toutes mes félicitations! Je sais que ça n’a pas dû être facile de le faire… Mais, cela t’a fait du bien… Ces mots/maux que tu retrouves aujourd’hui, permettent de travers un NOUVEAU CHEMIN d’ESPÉRANCE et de FOI en tes POTENTIALITÉS, et cet action positive, constructive t’aide dissoudre la honte en toi… Il est temps de penser à toi aujourd’hui… d’arrêter de vivre en fonction de ton mari. Tu dois retrouver ta propre identité et être fidèle à celle-ci. Continue d’aller consulter afin de clarifier ta situation et de faire les changements qui s’imposent pour ton propre bien-être… mais surtout pour GUÉRIR de ces blessures incestueuses… Ton désir est d’aller parler à ton frère… alors fais-le… Suis ta conscience… Mais prépares-toi bien avant de faire ces démarches… Solidifies-toi pour faire face à cette confrontation. Il est normal que tu es peur… Ce sont des pas qui ne sont pas faciles, mais nécessaires pour ton propre cheminement… ta propre GUÉRISON. Je te porte dans mon Coeur. BlancheXX

 

Bonjour,

Par où commencer? D’abord que ce sujet, je ne l’ai abordé qu’avec une seule personne il y a bien longtemps, une amie, une seule fois, avec qui je n’en n’ai plus jamais parlé. Parce qu’elle n’a pas redemandé. Parce que je n’ai plus osé. Parce que j’avais et j’ai toujours honte. J’en ai mal tellement j’ai honte.

C’est resté enfoui au fond de moi pendant des années.

Je devais avoir 7-8 ans, ce n’est pas très net, quand ça a commençé. Comment, je ne sais plus au juste. La nuit dans mon lit ou au petit matin dans le salon familial le dimanche matin à l’heure où d’autres regardaient des dessins animés, mon frère de deux ans mon ainé venait me rejoindre. Il me caressait, avec ses mains, avec sa langue, intimement. Au début, je ressentais de l’étonnement et, je l’avoue et je me dégoute, parfois du plaisir, comme on peut en ressentir à cet âge. Puis petit à petit, j’ai pris conscience que c’était mal mais je n’arrivais pas à dire non. Et puis ça été de plus en plus fréquent, partout où il le pouvait. Dans la chambre, dans le salon, dans le jardin lorsqu’on était seuls, dans la salle de bain, chez ma grand-mère,… Et nous grandissions et ses envies ne se limitaient plus à quelques caresses. Il voulait aller de plus en plus loin. Je le suppliais en lui disant que ce n’était pas bien mais je finissais toujours par lui obéir. Jusqu’au jour où ma mère nous a presque surpris. Je crois qu’elle a compris mais n’a rien dit. Je lui en veux. Par après, il est encore venu mais n’insistait plus tant lorsque je le suppliais. Puis, petit à petit, ça s’est arrêté. Je devais avoir 12-13 ans. Et j’ai enfoui ça bien loin au fond de moi. On n’en n’a plus jamais reparlé. Ni avec lui. Ni avec ma mère. Ni avec personne.

Mais moi, ça m’a détruit. Ca m’a bousillée de l’intérieur. Et il m’a fallu
jusqu’aujourd’hui pour faire sortir ça de moi.

Comment j’ai vécu après ça? Mal. Toute mon adolescence, j’ai écrit des poèmes hurlant mon mal de vivre comme un appel au secours que personne n’a perçu. Mais qui le pouvait? Je n’ai jamais compris pourquoi ça m’est arrivé. Pourquoi un garçon de 9-10 ans commence à faire ça à sa soeur? D’où lui est venue cette idée? Comment il l’a ressenti? A-t-il culpabilisé? Etait-ce juste un jeu pour lui? Est-ce que je dramatise quelquechose qui est courant et que je ne suis pas normale que ca me perturbe? Je me suis dit à maintes reprises, ces temps-çi que j’allais aller lui demander. Mais j’ai peur. J’ai tellement peur des réponses qu’il pourrait me faire. J’ai tellement honte de m’avouer que j’ai pu avoir du plaisir à un moment. J’ai peur que ses justifications ne me déstabilisent encore plus et que je ne puisse plus cacher ça aux autres.

Alors j’ai occulté. Ca n’est revenu à la surface que petit à petit quand s’est posé le problème des relations affectives et sexuelles. J’ai toujours caché mon refus des rapports intimes avec mes petits amis d’adolescence derrière la conviction qu’il fallait que ce soit sérieux pour la première fois. Tellement sérieux que ce fut à 20 ans et que ce fut avec mon futur mari. J’étais réservée. Et très amoureuse. Il était mystérieux et timide. Avec le recul, je me dis que j’ai toujours cherché chez lui un mystère et une souffrance à la hauteur de ce que je souffrais comme pour faire écho à ce que j’avais vécu, me donnant ainsi une chance de pouvoir parler de ma souffrance. Et je me suis donc attelée à chercher derrière son coté bourru et grognon la porte du mystère qui ouvrirait son coeur et de ce fait le rendrait plus doux. Car il ne l’était pas et ne l’est toujours pas. Il pouvait être très cadeaux, fleurs et attentionné mais supportait peu l’opposition. Je me suis soumise presque naturellement à ce qu’il attendait de moi. Il n’a jamais levé la main sur moi mais les mots suffisaient à faire le même effet. J’avais peur de le perdre. Alors, lorsqu’il ne m’adressait pas la parole, j’avais peur qu’il me quitte. Au début de notre relation, je téléphonais chez lui jusqu’à ce qu’il se décide à me répondre. J’avais sa mère qui me le passait puis il raccrochait. Ou j’allais chez lui, lui dire que ça n’était pas possible de réagir comme cela et il me repoussait, m’ignorait ou m’insultait. Et je revenais toujours. Pourquoi, comme pour mon frère aurait-il arrêté? Ma mère m’a vue des dizaines de fois rentrer chez moi en pleurs et l’a pris peu à peu en grippe mais le supportait tout de même à la maison pour moi. Mon père ne voyait rien. Il n’a jamais rien vu. N’a jamais rien compris. Il voyageait la moitié de son temps. Ma petite soeur, plus extravertie, s’est tout de suite disputée avec lui et il lui en a gardé rancune. Puis le temps a passé, de cris en pleurs, en passant par des phases de bonheurs, nous avons fini par nous marier. Il a fini par me convaincre que, si nous nous disputions, c’était souvent à cause de ma mère qui se melait de nos affaires et qui, il est vrai, avait très mal accepté mon départ de la maison avant le mariage. Elle qui avait toujours rêvé de me voir partir en robe de mariée le grand jour de mon départ de la maison, elle qui avait été jetée dehors par son propre père une semaine avant de se marier pour qu’il ne doive pas payer un franc.

Et ce jour de mariage fut probablement le pire de ma vie. Dispute avec mon mari 3 jours avant « à cause de ma famille ». Ma mère venait d’apprendre la récidive de son cancer du sein dont elle allait succomber quelques mois plus tard. Préparatifs de dernière minutes jusque 6h du mat le jour du mariage. Et, apothéose, le disc-jockey, qui était mon cousin, nous annonce qu’il n’a aucun des disques demandés quelques semaines auparavant pour notre ouverture de bal. C’en est trop pour mon mari qui m’en tient responsable puisque c’est mon cousin et que c’est moi qui lui ai demandé de venir. Il me lache un assasin « c’est le seul slow qu’on dansera ce soir » avant de partir se souler avec ses cousins puis me planter à notre propre mariage une demi-heure plus tard. Je le rattrape. On s’en va sans prévenir quiconque et il me dit dans la voiture qu’il vient de faire la connerie de sa vie et qu’il n’aurait jamais du m’épouser. En quelques mots, en quelques heures, ma vie me semble sans sens: l’homme que j’aime stupidement ne m’aime pas et ne veut plus de moi. Ma mère que j’aime plus que tout au monde va mourir. Nous rentrons. Il monte. Je déchire ma robe, monte à la salle de bain et avale une boite de médicaments. Je descends dans le salon et je me couche. Au petit matin, je m’éveille, j’ai rendu partout, j’ai des vertiges. Je ne suis pas morte. Je me traine à notre chambre. Mon mari, desoulé, ne comprend, dit-il, rien. Il me pousse du lit, avec les mains, avec les pieds en me reprochant de ne pas avoir passé cette nuit de noce avec lui. Je tombe par terre. Je me traine d’où je viens. Il descend. Je lui raconte la veille et les médicaments. Il se radoucit. On discute la journée puis le soir, je tombe dans le coma sous l’effet retardé des médicaments. Ambulance. Hopital. La honte à nouveau. J’invente une histoire à dormir debout à mes parents inquiets de notre départ inexpliqué du mariage puis des 3 jours de silence. La confiance se rompt. Rien ne sera plus jamais pareil. Je suis seule. Je n’ai plus que lui. Ou du moins je le crois.

Ma mère meurt quelques mois après. Je suis enceinte. Ma mère nous quitte dans mes bras. Sans qu’on se soit reparlée de mère à fille. Sans qu’on se soit dit ce qu’on devait. Elle savait ce qui s’était passé cette nuit-là. Elle l’avait appris par une indiscrète infirmière. Elle ne m’en a jamais parlé. Encore une fois. Je lui en veux. Encore une fois.

La mort de ma mère. La naissance de notre fils. Nous vivons repliés sur nous-mêmes. Mon mari m’a pour lui seul. Tout va bien. Mais la naissance de mon fils m’a changé.

Je me sens femme. Enfin capable de quelque chose. Je suis aimée pour ce que je suis par ce petit bout. Avec lui, je reprends confiance. Moi qui ne me suis jamais aimée. Moi qui m’en suis toujours voulue. Moi qui me suis toujours dégoutée. Moi qui ne me suis jamais autorisée à penser à mon plaisir plutot qu’à celui des autres car ce plaisir que j’avais ressenti un jour était coupable. Ce plaisir, ce bonheur, je l’obtenais de ce petit bout qui n’avait pas attendu que je lui demande, qui me le donnait naturellement, qui m’en accordait le droit.

J’ai alors commençé à réfléchir et à regarder ma vie. Et d’abord mon couple. D’abord en observant. Puis en ne me laissant plus faire jusqu’au jour ou j’ai lu un truc sur le harcelement moral et la perversité et où je me suis reconnue. Explosion. Mon mari n’a rien compris, dit-il. N’a pas été prévenu. N’a jamais été mis au courant que ça ne me convenait pas au point de vouloir le quitter. Crise de confiance: pour moi d’abord, pour lui ensuite. Et on en est là. Ca fait deux ans. J’ai vu quelques fois un psy puis j’ai eu peur. Je ne savais pas pourquoi. J’ai mis ça sur le compte de mon mari qui vivait comme un viol de notre couple cette incursion d’un étranger dans notre vie privée. Je n’ai pas confiance en lui. Il n’a pas confiance en moi. Je me demande toujours si c’est un pervers ou pas. Le psy m’a dit que non car il n’y avait aucune connotation sexuelle dans la relation de pouvoir qu’il avait établit sur moi. Mais aujourd’hui je ne sais plus où j’en suis. Cette connotation est là actuellement. Il me reproche de refuser certaines pratiques (ou plutot de les pratiquer pas assez souvent)qui ne me plaisent pas alors que je le faisais avant. Si je l’aime, je dois avoir envie de lui faire plaisir. Et le plaisir devient source d’angoisse, de tabou.

Depuis que j’ai été chez ce psy, ça tourne à 100 à l’heure dans ma tête. Il a commençé à creuser et j’ai continué seule à me poser des questions à l’arrêt de ses consultations. Je sais que ce que j’ai vécu avec mon frère est pour beaucoup dans mes problèmes: ma soumission, mon mésestime de moi, ma culpabilité au plaisir (je n’ai qu’un plaisir clitoridien qui me rappelle mon vécu et me culpabilise d’autant plus), mon oubli de moi, etc.. Et j’en suis là. Encore beaucoup de questions dans ma tête et peu de réponse. J’ai identifié le début d’un problème mais le chemin à venir me semble encore long et douloureux. Ca me fait peur. J’ai souvent envie de m’enfouir la tête dans le sable et de faire semblant que cette crise qui a réveillé tout cela n’a jamais existé. Et je fais semblant. Mais mon mari, lui n’a pas oublié. A mal encaissé. M’en veut toujours. Et de mon passé, je ne peux pas lui parler. Je le sens tellement intolérant à tant de choses, tellement peu respectueux de moi. Je tiens encore à lui. J’espère toujours un miracle entre lui et moi. Peut-être je rêve. Aujourd’hui, il m’a encore dit que je ne lui parlais pas s’il ne me posait pas des questions. Que je ne prenais aucune initiative sans son intervention. Il me tétanise ou me fait sortir de mes gonds. Ses interventions, qui n’apparaissent que sous forme de critiques, m’inhibent et me stressent plus qu’autres choses. De manque de parole, il y a certainement car je me sens incomprise. Mes paroles sont sans cesse interpretées de manière irrévocable. Sa rigidité m’effraie.

J’ai toujours eu le rêve de la princesse que le beau prince charmant viendrait sauver du terrible dragon et avec qui elle vivrait heureuse et aurait beaucoup d’enfant. Mon dragon est toujours là. J’ai juste changé de donjon. Mais le petit, lui, il est là. Je n’arrive pas à sortir de ce rêve. Je m’en sens prisonnière. Et les doutes sont là. Si ma prison n’avait jamais été qu’en moi? Si j’attendais trop des autres? Si mon mari avait raison? Simon silence avait toujours été l’explication?

Je n’ai que deux raisons de ne pas sombrer car, lorsque ça va mal avec mon mari, que le poids de la culpabilité de l’échec de notre couple s’abat sur moi, les idées noires se balancent au bout d’une corde ou contre un mur et menacent de m’entrainer avec elles. J’ai peur. Je ne peux pas parler. Alors je pense à ce petit bonhomme dont j’ai la responsabilité et qui n’a rien fait dans tout ça. Je pense qu’il a besoin de sa maman, qu’il a besoin d’un contrepoids face à l’intolérance et la rudesse de son père. Et je pense à un homme, qui depuis le début de ma crise est présent. Il m’a ainsi montré que je pouvais être désirable mais respectée, que j’avais de la valeur, que mon avis compte, que ce que je suis l’intéresse, mais qu’il existe en ce monde des gens biens qui ne profitent pas de la faiblesse d’autrui. Il est une note positive, une note d’espoir dans ma vie. Et il a cette compréhension des choses comme s’il était dans ma tête. Loin de l’idéaliser, car il a aussi des défauts, il représente un garde-fou de ce que peut être une relation respectueuse. Car j’ai peu de force pour lutter contre le risque de ressombrer dans les travers passés avec mon époux. Et j’ai du mal à retrouver des repères. Je ne sais parfois plus où se trouve la réalité. En quittant mon mari, j’ai peur de me réveiller un jour en me disant que j’ai foutu en l’air la vie de notre fils alors que ce que je reprochais à mon mari n’était qu’exagération. J’ai peur d’en vouloir à mon ami avec qui, je l’avoue, les choses auraient évoluées si je n’avais pas été mariée. Pour moi, je le sais, pour lui, j’en suis convaincue et ce fut dit à demi-mots.

Et tout cela me renvoit à ma blessure passée, cachée. Et je ne sais pas comment la solutionner. Je ne sais pas ce que ça changera en moi. Tant d’incertitudes angoissantes. J’en suis là. Je me dis que je dois commencer par parler à mon frère. J’ai peur

Ce témoignage, car chargé de beaucoup de honte, restera, sous le sceau de l’anonymat, je vous le demande. Appelez moi Juliette par exemple. Je ne sais pas ce que j’attends de tout ceci mais ça m’a fait du bien de l’écrire.

Juliette