Le 6 avril 2003
Bonjour Blanche,
Je viens de passer quelques minutes pour ne pas dire quelques heures, à visiter ton site. Toute une merveille! Je suis heureuse de voir que tout comme moi, tu avances ta vie malgré cette profonde blessure du passé. C’est bien de la partager, afin d’aider et d’outiller autrui. Tu es une Grande des Grandes! Félicitations pour ton travail!
Depuis quelques semaines, j’écris moi aussi des petites chroniques sur l’inceste pour un site. J’espère par mes écrits et mon expérience, apporter de l’espoir aux victimes d’inceste. Tout comme toi, je crois en la guérison. J’ai fait une démarche de pardon pendant plus de 2 ans en faisant la lecture du livre « Comment pardonner » de Jean Montbourquette. Il y présente le pardon en 12 étapes. Ce fut long et ardu, mais si grandissant! J’ai enfin pu laissé tomber mes chaînes et mes boulets.
Je te fais parvenir mon témoignage. C’est évident que ce ne sont que les grandes lignes de mon histoire, car j’en aurais des pages et des pages à écrire! J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour savoir comment me procurer ton livre?
Pour terminer, je te lève mon chapeau! Tu as toute mon admiration. Continue de si bien avancer ta vie…
Respectueusement,
Iza-bel
Voici mon témoignage…
Je me présente, je suis Iza-bel et j’ai été victime d’inceste à l’âge de 13 ans, par mon père.
À l’adolescence, étant en éternel conflit avec ma mère, je suis allée vivre chez mon paternel, suite à la décision prise par mère. Je ne connaissais pas cet homme, puisque mes parents étant divorcés depuis que j’avais 6 ans, celui-ci ne s’était guère occupé de nous, mes 2 soeurs, mon frère et moi.
Lui de son côté, avait refait sa vie et avait eu 3 autres enfants. J’avais terriblement peur d’arriver dans cette famille qui m’était inconnue. La seule chose pour ainsi dire que je savais, c’est que cette femme nous détestait, nous les enfants du premier lit! À mon arrivée, malgré toutes mes craintes, on m’a dit qu’on prendrait bien soin de moi. Si seulement j’avais su…
Cette période pour moi représente, ma période Aurore l’enfant martyre. On ne m’a pas battu physiquement, mais moralement on m’a détruite. On a bel et bien essayé de tuer mon âme. Je devais m’occuper de mes trois demi-frères, torcher leur maison (excusez-moi l’expression), écouter les critiques blessantes de ma chère belle-mère et de plus subir les assauts sexuels de cet homme sans morales. Pendant une année, j’ai gardé le secret et ainsi payer de ma virginité pour avoir un toit sur la tête! Car à cette époque, il n’était pas question de retourner chez ma mère, elle ne me voulait plus. Elle m’avait abandonné dans la gueule du méchant loup.
Un jour, j’ai cru que j’étais enceinte de lui. J’avais une semaine de retard dans mes règles. Mon dieu! qu’allais-je faire? J’ai alors pensé au suicide. Je ne m’imaginais pas faire face au monde en ayant porté l’enfant de mon père! Si tel avait été le cas, c’est évident que j’aurais pu subir un avortement, mais juste à penser que j’aurais été enceinte de lui… oh non! ma décision était prise, si j’étais enceinte, je me suicidais. Par chance, mes règles sont arrivées et vous ne pouvez vous imaginer le bonheur que j’ai pu ressentir. J’étais si heureuse d’avoir des crampes!
J’ai finalement dévoilé mon secret à une amie en lui faisant bien sûr promettre de ne rien révéler. De son côté, elle s’est empressée d’aller tout raconter à la psychologue de l’école et vous imaginez la suite… la protection de la jeunesse s’en est mêlé et ils m’ont sorti de mon calvaire. Suite à tout ça, je suis retournée chez ma mère. J’ai fait arrêter mon père et sa sentence fut 6 mois de travaux communautaires et 2 ans de probation. Toute une sentence pour avoir brisé la vie de la fille qui devait prendre soin!!!
Mais malgré tout, j’étais quand même satisfaite, car maintenant tout le monde le savait. Long aura été mon cheminement pour guérir de cette blessure. Je vivais tellement de culpabilité, de honte, de rejet, de rage et de désespoir! J’ai suivi une thérapie qui a duré 4 ans. J’en ai laissé des larmes, des cris et tout un beau paquet de merde dans ce bureau. C’était mes premiers pas vers ma guérison. Le reste de celle-ci s’est fait dans le pardon. Hé oui, je lui ai pardonné d’avoir briser mon enfance! Non pas pour excuser son geste, mais pour me libérer moi et ainsi me réapproprier ce qui était à moi, mon corps et mon âme.
Je vis aujourd’hui en étant plus sereine et équilibrée. On dit que pardonner c’est oublier. Je n’y crois pas, car malgré tous les efforts du monde, je n’ai pas réussi à oublier. La cicatrice ne saigne plus, mais la cicatrice n’a jamais disparue… j’ai seulement appris à vivre avec.
Merci à cette chère amie de ne pas m’avoir écouté. Sa main tendue m’a offert le plus beau des cadeaux… ma libération de cette prison sans barreaux!
Voilà le résumé de ma petite histoire qui fait de moi la femme que je suis devenue… une survivante. Je mène maintenant ma barque à ma façon et ma vie reprend les couleurs de celle dont je voulais. Tel un papillon sorti de son cocon, je vole maintenant au vent de ma vie.
Merci de ce touchant témoignage. Tu sais nous ne pouvons pas oublié ces abus… Ils font partie de notre vérité, de notre réalité… Mais si nous arrivons à intégrer en profondeur ces traumatismes dans la conscience, et de par le fait même, accomplir le pardon qui fait son oeuvre naturellement… nous pouvons retrouver la paix et l’harmonie en soi.
Nous n’oublions pas… mais si nous avons fait l’intégration en profondeur de ces blessures, nous avons pu alors enlever toutes les charges émotionnelles, corporelles et énergétiques qui y étaient reliées… Ainsi cette réalité devient un souvenir comme n’importe lequel autre souvenir banal de notre existence.
Nous pouvons alors passer de la survivante à la VIVANTE! S’épanouir dans toutes les sphères de notre vie. Moi aussi, j’ai beaucoup d’admiration pour tout le chemin que tu as parcouru… Continue de marcher sur ton Chemin de Vie! BIG HUG! BlancheXX