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Témoignage de Gisèle

Le 20 juin 2002

Hello Blanche,

Je suis Gisèle, une survivante d’inceste. J’ai beaucoup apprécié ton site. Continue ce merveilleux travail que tu fais… Voici mon témoignage.

Je suis née la dernière, 10 ans et demi après ma soeur. Il y a un écart de 15 et 13 ans entre mes frères aînés et moi.

Mon frère/le 2ième/est toujours resté hyperdépendant de ma mère, est encore aujourd’hui un alcoolique/toxicomane actif et vit /vivote-survit/ seul à la ville, isolé du reste de la famille. Il est en train de devenir fou et se suicide à feu lent…

Je sais maintenant, qu’entre lui et ma mère j’ai vécu une relation d’inceste psychologique et émotif mêlé d’attouchements physiques déplacés et troublants. Que mon frère était l’époux substitut de ma mère et que la rivalité, la jalousie entre mon père et lui faisait planer une rage meurtrière dans la maison. Mais le volcan n’a jamais explosé. Bien qu’il y ait eu quelques querelles apeurantes arrosées d’alcool. Mon frère n’a eu qu’une femme dans sa vie, sa mère. Il ne nous a jamais amené de copine à la maison et il s’en est toujours pris à des plus jeunes que lui pour en faire ses adorateurs, ses groopies. Il l’a fait avec moi et avec mon neveu qu’il a dominé et antagonisé encore plus que moi. Et j’ai su, quelques années plus tard, qu’il préfère avoir des rapports sexuels avec de jeunes garçons…

J’ai moi-même éprouvé un amour malade envers mon frère, dont je me sentais follement éprise et avec qui je fantasmais de fuir la maison. Que notre liaison illicite ne se soit pas soldée par des rapports sexuels tient du miracle ! Nous avions l’habitude de nous enlacer très tendrement et de s’embrasser sur la bouche. Aussi de danser des slows de façon amoureuse, assez lascive. Et ça m’a pris beaucoup d’années de tourments ainsi qu’un réveil brutal pour enfin choisir et décider de me séparer de lui. Il m’a longtemps servi de partenaire amoureux de substitution quand je me retrouvais sans petit ami et même plus tard, à travers ma vie conjugale. Parce qu’il s’arrangeait pour profiter de ma dépendance envers lui pour venir squatter chez-moi. Ce que mon ex-mari tolérait sans intervenir, jusqu’à ce que les comportements de mon frère deviennent intolérables et qu’il le somme de partir. / C’était en tous points la répétition du pattern qu’il y avait entre ma mère, mon frère et mon père. / Mon ex. pouvait ainsi se saouler avec mon frère, avoir la paix de moi et écouter sa télé bien tranquille et je crois bien qu’il préférait se taire plutôt que de prendre le risque d’affronter ma réaction s’il avait tenté de me séparer de mon frérot.

J’avais 37 ans quand j’ai vraiment pris conscience que j’avais aussi été victime de violence sexuelle dans mon enfance. J’essayais de mettre fin à un problème de dépendance avec l’alcool, je me sentais malheureuse en mariage et j’étais venue vivre en face de chez ma soeur pour tenter un rapprochement avec elle. J’ai vécu l’alcoolisme et la toxicomanie de mon neveu de près. Je l’ai vu et aidé à se sortir du grand risque /la prison, la folie ou la mort/ et il était temps que ça arrête. Il se porte mieux maintenant.

J’avais commencé à lire des livres de psychologie adressés aux femmes. J’en étais rendue à un point où je me disais qu’il devait y avoir plus à la vie que ce merdier dans lequel je me sentais empêtrée et que ça n’était vraiment pas normal que je me sente si mal sans savoir pourquoi. J’ai voulu savoir! Et je me suis mise à dégeler progressivement.

Je suis retournée aux études, j’ai fait une crise d’hypoglycémie sévère et j’ai frisé le coma. Ma mère est décédée alors qu’elle me payait un cours de secrétariat et que je la sentais fière de moi pour la 1ère fois de ma vie. Nous commencions à avoir une relation viable et elle est partie… C’est moi qui s’est occupée d’elle, de son admission à l’hôpital. Dont elle est ressortie les pieds devant, un mois jour pour jour. Et qui ai ragé en silence contre l’éternelle fuite de mon père devant tout problème pouvant nous concerner et sa hantise face à la maladie /la faiblesse!!!! Ce jour là, il est parti à son chalet, comme prévu et a laissé ma mère dans ses malaises et sa grande détresse sans sourciller. Il a pris la porte et est parti. Je me suis retenue de toutes mes forces de le poursuivre et lui crier après. J’ai fini par me dire : « Qu’il mange de la M… on va s’arranger, comme d’habitude… » Et une heure plus tard, je devais demander une ambulance pour faire conduire ma mère à l’hôpital…

Elle est morte en 1991. À partir de là, tout s’est bousculé pour moi. Sa mort a été le déclencheur qui m’a amenée au choc de ma vie. Comme réveil spirituel, s’en était tout un. J’ai lu : Ces Femmes qui aiment trop. / tome 1 et 2.

J’avais décidé de quitter mon mari, qui avait fait de ma soeur et de mon beau-frère. ses confidents et qui se permettaient de s’immiscer dans nos problèmes de couple. Et ma sœur qui soufflait à mon homme que de lire ces livres, allaient me rendre folle, parce qu’elle-même avait peur de ce qu’elle aurait pu découvrir et que son mari craignait que je ne pollue l’esprit de sa soumise… Ce sont eux! qui étaient en train de me rendre folle ! Et le soir où je suis partie de la maison, j’ai mis un terme à mon contact avec mon frère que je voyais chez ma soeur dans la maison en face. Je me sentais me séparer et en train de divorcer de ma famille aussi. Chez-nous faut rester marié! J’étais en état de choc total.

Avant d’arriver à partir, j’ai passé des jours entiers dans une beignerie à écrire, délirer sur papier. Et j’étais dans une phase anorexique. J’oubliais systématiquement de manger et la nourriture me donnait la nausée et n’avait plus aucune saveur. Ça ne rentrait plus. Je dois mentionner ici que je faisais partie d’un groupe AA/1992, que le souvenir est remonté et que j’ai quitté mon mari en 1995. J’ai éprouvé une réaction violente un jour qu’en écrivant, il est monté un flot de larmes qui se sont mises à couler toutes seules et que j’ai ressenti une panique sans nom en réalisant qu’il me manquait un pan de ma vie où il m’a semblé que je n’existais même plus.

Je me trouvais attablée devant un café, dans un endroit public. Je m’arrangeais pour être en solitude mais parmi les gens, pour ne pas être seule, mais ne parler à personne. Je ne pouvais plus rester dans la maison, ni supporter la solitude. J’ai prestement remballé mes choses et me suis engagée sur un sentier longeant une rivière. Je me suis entendue, impuissante et désespérée. Des pleurs de petite fille à l’agonie. Et j’ai eu un haut le coeur si puissant qu’on aurait dit que j’allais me vomir les tripes. Ça faisait si mal.

À un moment j’ai ressenti un tel désespoir et un tel dégoût de moi-même, que j’ai eu l’envie sincère de me foutre à l’eau et de ne jamais revenir. J’ai crié : « Oh mon Dieu! Fais quelque chose ou je meurs… » Il m’a aidée…

J’ai dû reculer dans mon passé et faire des liens… recoller un tas de morceaux. Et il en manque… Le « casse-tête » reste incomplet. Et j’ai dû aller en thérapie parce que je remettais en actes le traumatisme d’abus avec un amoureux et partenaire sexuel /une copie de mon frère portant le même prénom/ et que je recommençais à avoir des rituels sexuels secrets qui me donnaient honte et dégoût de moi. Et la rechute à boire.

Les cauchemars sont venus me révéler qu’entre l’âge de huit et neuf ans, il entre un fantôme dans ma chambre qui ferme la porte derrière lui. Il fait si noir, je ne vois rien. Je le sens si anormal et enragé que je me sens terrorisée. Ne pas parler, ni bouger, ni même respirer si c’était possible. Il va me tuer, mon Dieu je vais mourir! Et c’est un rêve embrumé, mi-réel, mi-fictif. Je me sens droguée, comme ivre et flottante, engourdie, perdue et j’éprouve des sensations physiques intenses et jouissives… Et c’est le black-out total. Je sors de mon corps et tout s’éteint… Je ne suis plus. Après cet incident, j’ai fait une rougeole aiguë, le médecin avait peur que j’en meure ou que je perde la vue. J’ai passé la semaine la plus seule de ma vie. Enflammée comme un volcan qui implose, dans la fièvre et les délires avec le store baissé même de jour pour protéger mes yeux. Et mis à part ma soeur qui est venue une fois me porter un toutou quand j’ai commencé à en sortir, personne n’est venu me voir. Pas mon père. Même ma mère ne venait dans la chambre qu’en cas de besoin. Il me semble maintenant qu’il régnait un climat silencieux de désespoir morbide dans toute la maison…

Quand la maladie m’a quittée, on m’a remise sur pied et renvoyée à l’école/et la vie continue… Mais à partir de ce moment, plus rien n’a jamais été pareil.

J’ai oublié de mentionner que dans cette période de ma vie, entre 8 et 9 ans. J’ai souvent eu de la difficulté à m’endormir, en proie à une peur panique paralysante. Il me semblait souvent apercevoir une silhouette sombre dans un coin de ma chambre ou de vraiment croire que je sentais la présence d’une force maléfique invisible et menaçante. Je me sentais terrorisée et je ne tolérais pas qu’on ferme la porte. J’avais très peur de rester seule dans le noir; mais on m’avait dit que c’était mon imagination, de rester couchée et de dormir et j’obéissais; au moins la porte restait ouverte. J’étais en effet très peureuse, renfermée et impressionnable. Je ne pouvais pas tolérer non plus qu’une porte se referme, accidentellement, dans mon dos. Je devais immédiatement revenir sur mes pas et la rouvrir.

J’ai aussi vécu des périodes de somnambulisme. Je quittais mon lit, ma chambre. J’allais me coucher sur les pieds de ma mère, dans son lit ou elle me retrouvait sous mon lit et même sur le tapis, roulée en boule devant la porte de cuisine. Quand nous avons déménagé en campagne et que je me suis retrouvée seule avec ma mère, mon père et mes frères étaient à la maison seulement les fins de semaines pendant un certain temps, ça s’est arrêté. Je n’avais plus peur de dormir seule dans ma chambre, mais toujours avec la porte ouverte, j’aimais ma chambre et mon lit, mon matelas neuf.

Par contre j’ai vécu seule avec ma mère et plus tard avec mon frère, qui est venu habiter avec elle et moi pour boire se droguer et nous tyranniser en l’absence de mon père. La dépression majeure de ma mère qui a pété les plombs de se retrouver seule loin de tout avec sa petite fille de 12 ans. J’ai vécu sa descente dans l’alcoolisme et tous les problèmes et mauvais traitements de la part de mon frère envers elle et envers moi. Elle a voulu faire de moi sa confidente et sa complice et elle m’a inculqué un ressentiment et une haine sans nom envers mon lâche de père qui nous avait abandonnées là pour aller vivre seul à Ottawa où il avait accepté d’aller travailler. L’ancien combattant, ex. Sergent-Major, devenu surintendant sur les plus gros chantiers de construction. Ma chambre a souvent été ma prison dorée, mon seul refuge. Là, où dehors dans les bois où enfin j’avais la paix et je pouvais m’évader et respirer un peu.

Ce qui m’a beaucoup aidée, c’est d’avoir un bon petit groupe d’amis, qui m’ont acceptée telle que j’étais, même s’ils m’ont souvent trouvée bizarre, garçonnière et un peu sauvageonne. Et qui ont eu la délicatesse de me le confier beaucoup d’années plus tard quand ils ont pensé qu’ils pouvaient me le dire, sans risquer de me faire de la peine. Merci la gang! Vous étiez ma lueur de vie et d’espoir dans mon marasme, que vous n’avez jamais même soupçonné. Surtout quand ils ont pu commencer à venir à leurs chalets même en hiver, au lieu de les regarder partir à l’automne pour revenir seulement qu’au printemps…

Pour moi la vie, c’était l’été et les fins de semaines. Le reste du temps, c’était l’enfer sur terre, sans que ça paraisse, fallait pas que ça paraisse! Et le dur calvaire des mauvais traitements de la part de mes pairs à l’école. Et j’ai quitté la maison paternelle pour de bon seulement quand je me suis mariée. Mon 1er fiancé a bien essayé de me soustraire à l’influence de ma famille, et de m’amener vivre au milieu des siens, sur une belle ferme. Mais je suis devenue dépressive et j’ai fait des crises pour retourner chez-moi. J’avais trop soif d’aller consommer, d’aller dans les bars fêter avec mes amis; danser, me sentir admirée et désirée sur la piste de danse.

D’abord, mon père s’est mis à me fuir et m’ignorer, à ne plus pouvoir supporter ma vue et les choses ont empiré entre ma mère et lui. Et à l’école ou parmi les enfants de mon âge, je suis devenue le souffre-douleur, la parfaite petite victime des enfants agressifs. Mon comportement sexuel anormal pour mon âge m’a jetée dans les bras des garçons, jouer des petits jeux bizarres et en cachette avec des enfants plus jeunes que moi, qui étaient mes seuls amis et lancée à la poursuite d’hommes dans la vingtaine et même dans la trentaine /plus expérimentés et séduisants/ plus protecteurs et figures paternelles.

Je me suis mariée par dépit à un alcoolique de petite taille, peu attrayant, un fils à maman qui cherchait à se caser, comme moi, alors que je vivais une grande peine d’amour / Mon fiancé normal ne pouvait plus me supporter, ni ma famille et se devait de se séparer de moi, bien qu’il m’aimait sincèrement. Et je n’y comprenais rien… / et qui allait me faire vivre la vie dans les bars tous les week-ends. J’allais me noyer dans l’alcool, danser jusqu’à l’épuisement, séduire et briser mon vœu de fidélité. Je vivais une vie double de femme au foyer qui prend du café avec les voisines la semaine et se transforme en « disco-sex queen » la fin de semaine. Je me faisais l’effet d’un vampire…

Je me réfugiais et m’enlisais dans cette illusion qui me faisait croire à un pouvoir faussement magique. J’ai connu l’alcoolisme, la perte de ma dignité de femme, l’infidélité conjugale et les remords de conscience qui empêchent de dormir, des black-out alcooliques. Plus tard, la séparation et le divorce, la confrontation réelle avec l’abandon de la part de ma famille. Le vagabondage sexuel et le cercle vicieux des partenaires inadéquats. Et tout cela pendant que je faisais des efforts pour me rétablir, cesser de boire, me reconstruire et refaire ma vie. Je suis allée en thérapie en 1997. Je n’en pouvais plus.

Malgré cela, j’ai encore connu le calvaire des partenaires dysfonctionnels, ma mise en actes est allée jusqu’à connaître la violence avec un amoureux que j’ai ramené avec moi de thérapie, comme mon squateux de frère. Je savais que je prenais un grand risque, mais j’avais sous-estimé le pouvoir de séduction de cet homme et la force d’impact de la violence sur moi. Je me suis mise en situation de grave danger pour tenter de me prouver que je serais la plus forte et que l’amour serait vainqueur. Par miracle et avec de l’aide j’ai trouvé la force de m’enfuir avant qu’il ne me batte et j’ai même eu peur de le frapper moi-même ; il m’est arrivé de penser sincèrement que je le tuerais s’il osait me toucher. J’ai connu des relations qui me rappelaient le souvenir d’inceste. Des hommes avec des comportements sexuels anormaux ou une attitude paternaliste et qui ne me désiraient pas…

Mon frère aîné s’est tenu très près de moi pendant tout ce temps de ma thérapie et la relation de violence. Sauf que quand je me suis confiée à lui au sujet de l’inceste, il m’a cru mais il s’est mis à s’éloigner de moi et a fait une psychose de persécution pour laquelle il ne demande pas d’aide et de laquelle il ne se remet pas très bien… Ma sœur ne veut rien savoir et dit que j’ai tout imaginé / que le « démon » me conte des menteries / et le peu de relation que j’entretenais avec mon père s’est grandement détériorée. Je lui ai écrit mais il a fait comme si je ne lui avais jamais parlé, comme toujours… Je me sépare de plus en plus de cette famille qui s’éloigne aussi et m’abandonne, me sacrifie, comme ils l’ont toujours fait. À chaque fois que je me suis objectée à leur volonté, que j’ai refusé de céder à leurs caprices ou que j’ai osé penser différemment d’eux, ils ont tenté par divers moyens de pression de me ramener « du bon bord » et comme ça ne réussissait pas, m’ont boudée, fuie, et ignorée. L’écart entre nous s’agrandit de plus en plus et je laisse aller…
Au moment où j’écris ces lignes, je vais un peu mieux et mon vécu s’améliore. Je vis une relation amoureuse avec un bon compagnon que j’aime et par lequel je me sens aimée depuis un an. Mais je suis toujours prestataire de la Sécurité du Revenu, en proie à l’isolement social. Je préfère rester à la maison où j’arrive à bien fonctionner, mais je vis frustration et insécurité financière, par manque d’argent et de pouvoir décisionnel, ainsi que culpabilité et honte face au manque d’autonomie. Je me sens ambivalente et tiraillée, encore trop souvent survivante que vraiment vivante.

Sincèrement

Gisèle

Chère Gisèle, tu reviens de très loin… Je peux très bien imaginer l’enfer dans lequel tu as survécu… Que de force et courage, il t’a fallu pour en arriver là où tu en est aujourd’hui… Merci de nous partager bien humblement ces parties douloureuses de ton existence, qui affectent de moins en moins ta vie présente. Ne désespères pas… Étape par étape, tu sauras trouver ton autonomie. Gardes confiance! Demeures positive! Continue de poser des actions concrètes pour retrouver complètement ta liberté d’ÊTRE… Je suis convaincue que nombre de personnes, se retrouveront à travers ce partage authentique… Je suis avec toi! BlancheXX