Avant toute chose, il est important de savoir que pour un adulte, porter plainte au criminel peut être une étape importante, mais n’est pas essentiel dans le processus de guérison.
Nous savons qu’une agression sexuelle est toujours une expérience traumatisante pouvant laisser de graves séquelles. Il faut beaucoup de courage pour surmonter ses sentiments de terreur, de culpabilité, d'incompréhension, de honte et d'isolement pour oser porter plainte. De là, l’importance d’être bien préparé et bien accompagné au niveau psychojudiciaire (CAVAC) ainsi que par son thérapeute personnel.
Briser le silence… Porter plainte ou non? Un choix!
De nombreuses campagnes de sensibilisation à la dénonciation des agressions sexuelles incitent de plus en plus de victimes d’agressions sexuelles à passer l’action. Toutefois, elles manquent d’informations. Elles doivent être au courant de plusieurs aspects du processus judiciaire, comme par exemple, elles ne pourront pas choisir leur avocat, contrairement à l’accusé.
Lorsque la plainte est déposée, la police fait une enquête. Si les preuves sont suffisantes , que le dossier est assez solide , le procureur général peut décider de déposer un ou plusieurs chefs d’accusations contre l’accusé (l’agresseur). Il désigne ensuite un avocat de la Couronne qui représente les intérêts de la plaignante (la victime).
Deux scénarios possibles
Les femmes et les hommes qui veulent entreprendre des procédures judiciaires doivent se préparer mentalement à vivre l’un des deux scénarios possible : obtenir gain de cause ou le perdre.
À mon avis, il est bien important que la personne qui décide de porter plainte, soit assez solide dans son cheminement pour faire face au processus judiciaire. Il y a beaucoup d’inconnus et d’attentes comme le précise Isabelle Fortin, intervenante de l’organisme Trêves pour Elles situé dans Mercier—Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Elle émet un avertissement : « C’est difficiles de prouver une agression. Souvent, il n'y a pas assez de preuves et on ne peut pas poursuivre . » Elle spécifie que les femmes victimes d'agression sexuelle doivent prendre une décision éclairée en toute connaissance de cause.¹
Avantages
- « actions créatives» et concrètes, pour elle et pour les autres femmes pour dénoncer cette violence et empêcher que l'agresseur continue à agresser d'autres victiems, et poursuite de la démarche jusqu'au bout.
- la victime n'a pas à défrayer des frais d'avocat.
- être crue et soutenue par l'entourage et le système judiciaire.
- l'agresseur a un casier judiciaire.
- la victime est assurée de la protection de la justice et de la police
- être enfin libre, plus d'obligation de garder ce lourd secret
- aide à la réapropriation de sa dignité, de son intégrité et de son pouvoir personnel.
Inconvénients
- il peut être difficile de revoir l'agresseur
- la victime n'a pas de pouvoir; étant assignée à titre de témoin, elle est à la merci des procédures.
- procédures peuvents être longues, pénibles, demande beaucoup de temps et d'énergie; peut prolonger l'agression, le cauchemar, le stress
- elle doit faire face au contre-interrogatoire qui portera sur son consentement et mettra en doute sa crédibilité de femme.
- ne pas être crue, se sentir isolée et rejetée. Détérioration des liens avec l'entourage.
- les sentences sont souvent très légères. Sentiment d'injustice, d'inégalité et d'avoir entamé les procédures pour rien.
Que 10% des cas d'agression sexuelle déclarés à la police
Il faut savoir que la majorité des victimes d’agressions sexuelles n’osent pas dénoncer leur agresseur. Au Québec, seulement 10 % des cas d'agression sexuelle sont déclarés à la police, selon le Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Nous savons bien que ce n’est que la pointe de l’iceberg. Dans le rapport 2011-2012 de Trêve Pour Elles, 57% des femmes ayant fait appel aux services de l'organisme ont subi de l'inceste, 34% sont âgées de 45 ans et plus, et 75% ont vécu plus d'une agression à caractère sexuel.
Bien que la dénonciation demeure une voie privilégiée, elle ne représente pas la seule option. Il existe différentes formes d’aide qui doivent être offertes et promues. Le processus judiciaire peut engendrer aussi de grands risques de revictimisation, liés par exemple à l’attitude des différents intervenants.
Du même avis que le RQCALACS, « Si jusqu’à 90% des cas d’agression sexuelle ne sont pas déclarés à la police, c’est parce que les obstacles, tout comme les préjugés, demeurent nombreux et ce, tant au sein des corps policiers que dans tout le système judiciaire. Les victimes ne sont pas toujours crues, au contraire. Les agressions à caractère sexuel sont des crimes graves, mais surtout des actes de contrôle et de domination, et ces actes sont malheureusement encore trop souvent banalisés. Faut-il se rappeler que près de 8 victimes sur 10 connaissent leur agresseur. Dans ce contexte, comment porter plainte contre son propre père, son beau-père ou son conjoint? Ce n’est pas facile. Briser le silence est toutefois essentiel pour les victimes d’agression sexuelle, et il est important qu’elles puissent dévoiler leur secret en toute confiance, sans craindre d’être exposée à la police si elles ne l’ont pas choisi. »2
Alors que pour certaines victimes, il sera important de porter plainte immédiatement, tandis que d’autres hésiteront longtemps et prendront cette décision plusieurs années plus tard. Enfin, pour certaines victimes porter plainte n’est tout simplement pas envisageable. Tout dépend du cheminement de chacune, de leur motivation et de leur solidité pour entreprendre un tel processus judiciaire.
Points de non-retour
Il est important que chacune des victimes d’agression sexuelle se respecte dans leur propre cheminement. Lorsque le moment sera venu de sortir du silence, elle sera face à un «point de non-retour » qui consiste à franchir cette étape. C’EST UNE ÉVIDENCE! Elles ne peuvent pas reculer, ni avancer… Elles doivent alors agir concrètement. Et elles peuvent vivre plusieurs fois, à différents moments de sa vie, ces « points de non-retour » qui peuvent prendre différentes formes ou avenues. L’important, c’est de suivre sa conscience profonde et se laisser guider par elle.
Nous pouvons observer 4 points de non-retour :
- Briser le silence et confier son secret à une personne de son entourage
- Aller chercher de l’aide thérapeutique
- Admettre avoir été agressé et dévoiler son agresseur (un nom fictif) dans son milieu par exemple, par un livre ou autre moyen.
- Finalement, porter plainte et entamer un processus judiciaire
Bien entendu, malheureusement, nous savons que nombres de victimes d’agressions sexuelles garderont ce secret bien enfouis jusqu’à la fin de leur jour. Et ne pourront que survivre au lieu de réellement vivre à fond leur propre vie.
Ce dernier point de non-retour, la plainte, est nécessaire pour remettre à l’agresseur la responsabilité de ses gestes abusifs. Cette « action créatrice » , peu aussi, participer à sa reconstruction. Le silence et le secret protègent les agresseurs. Ceux-ci, au sus et aux vus de tout le monde… continuent à vivre leur vie comme si rien n’était… Sans aucune conséquence... Ce n’est pas le cas pour leurs victimes qui sont perturbées, qui ont de la difficulté à s’insérer adéquatement dans la société, et qui doivent poursuivre une thérapie à longue échéance et qui entrâîne des frais considérables. Certaines ne fonctionnent plus… et vont mêmes jusqu’à être aux prise avec des dépendances à l’alcool, la drogue, aux médicaments (antidépresseurs et co.). Certaines victimes vivent de la violence amoureuse ou conjugale, ou même, deviennent des prostitué-e-s, et je pourrais continuer… Le portrait de vie de ces victimes peuvent être très sombre.
Incapacité de porter plainte
Nous savons bien que les agresseurs à défaut d’être arrêtés, peuvent continuer d’agresser sexuellement en toute liberté, mais également étendre leurs « actions destructrices » à d'autres « proies ». Dénoncer permet également d'éviter cela et donc, dans certains cas, de protéger autrui. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus juger l’inaction de ces victimes qui sont déjà lourdement hypothéquées… En espérant, qu’un jour ou l’autre, de plus en plus, certaines d’entre elles, trouvent la force de se lever debout et remettre à l’agresseur ce qui lui appartient… et de ce fait même, apporter d’une certaine manière, protection à d’autres victimes incapable d’agir, de même qu’ aux autres potentielles victimes.
Celles qui se lèvent debout… trace la voie pour les autres
Au-delà des obstacles rencontrés dans le système judiciaire, certaines ex-victimes, ont osé se lever debout… Elles déblayent et tracent alors le chemin pour les autres…
Une alternative : Témoigner sans entamer ses propres procédures judiciaires
Saviez-vous que lorsqu'une plainte est déposée pour agression sexuelle au Québec, d'autres victimes de l'agresseur en question, peuvent venir ajouter leurs témoignages à la cour sans pour autant être obligées d'entamer leurs propres procédures judiciaires. Ainsi, cela donne encore plus de poids à la plainte déjà déposée par le ou la procureur-e. Ces victimes peuvent donc ressentir une certaine satisfaction de leur « action créatrice » comme on pourrait la nommer...
Plus tard, si elles se sentent assez solide pour entamer leur propre processus face à cet agresseur, elle pourront le faire... Intéressant n'est-ce pas? Surtout, lorsqu'on sait que l'agresseur fait partie de la famille et que souvent, il a fait plus d'une victime...
En toute solidarité et compassion.
Références :
¹Desjardins, Josiane. Agression sexuelle : le choix de porter plainte, Le Flambeau de l’Est. Article publié le 28 octobre 2012.
Guide de l'intervenante , CALACS de Sherbrooke