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Témoignage d'Aurélie

 

Le 1er mai 2004

Blanche,

En octobre, j’ai découvert le site Internet « Le poids du silence » qui parle également du viol et de l’inceste. La lecture des témoignages m’a bouleversée. Et puis, je me suis dit que moi aussi j’avais envie de m’en sortir. Être une victime pendant 14 ans, ça suffisait, je voulais recommencer à vivre. J’ai alors envoyé mon témoignage à ce site et, par la même occasion, je l’ai fait parvenir à mes amis les plus proches ainsi qu’à mes parents. La plupart d’entre eux ont appris en même temps que j’avais été victimes d’abus sexuels et que j’étais homosexuelle. Ca a très certainement été dur de tout apprendre en même temps mais moi je portais ça depuis tellement longtemps, j’avais besoin de me décharger un peu.

Tout le monde a très bien réagi. Je me suis même rapprochée un peu de ma mère avec qui mes rapports sont assez conflictuels depuis quelques années.

Vis à vis de ma soeur, quelque chose d’étonnant s’est passé. Je ne lui ai pas envoyé ce témoignage mais c’est moi qui ai commencé à la voir différemment. C’est difficile à expliquer, mais quand je la vois maintenant, j’ai l’impression que c’est une autre personne (au sens premier du terme). Dans ma tête, ma soeur est morte et la personne que mes parents appellent leur fille me parait être une étrangère que j’apprends à connaître et à apprécier.

Aujourd’hui, je vis et c’est merveilleux. Bien sur, il y a encore des traces de ce passé douloureux et il y en aura toujours. Mais je suis enfin débarrassée de ma mélancolie constante. Je suis encore fragile et je plie dangereusement sous certaines difficultés, mais j’en suis sure maintenant, jamais je ne casserai.

Blanche, je vous remercie pour le site que vous avez créé, je suis sure qu’il permet à de nombreuses personnes de se libérer. Je vous joins une copie du mail que j’avais écrit en octobre, au cas où mon témoignage pouvait servir à quelque chose.

Merci de m’avoir lue.

 

Bonjour à tous,

Je viens de découvrir ce site : qu’est ce que ça fait comme bien de lire ces témoignages et de voir que j’ai le droit de souffrir moi aussi.

Je traverse une période difficile mais certainement nécessaire ou tout ce que je voulais oublier remonte à la surface.

Je fais partie de ces personnes qui, comme Carole n’ont pas le droit légalement de dire qu’elles ont été violées car il n’y a pas eu pénétration. Mais ça détruit tout de même toute une vie.

J’ai 22 ans, j’en avais 7ou 8 lorsque ma soeur, qui n’en avait alors que 11 ou 12, s’est dit qu’elle essaierait bien de voir ce que pouvait être l’acte sexuel. J’étais toute désignée pour lui servir de cobaye.

J’ ai alors subi pendant 6 à 8 mois le contact de sa langue dans ma bouche, le poids de son corps qui se frottait sur moi et ses caresses incessantes. Ce n’est qu’au bout de ces longs mois que j’ai osé dire non.

Je m’en veux énormément d’avoir tant tardé mais aussi et surtout d’avoir éprouvé un certain plaisir par moments. Je sais bien que j’etais trop jeune et naïve pour comprendre ce qui se passait mais le sentiment de culpabilité reste ancré très profondément en moi.

Quelques temps plus tard, sous le coup de la colère, j’ai tout raconté à mes parents. Ils ont cru que je voulais punir ma soeur de nos disputes, ils ne m’ont donc pas crue.

Par la suite j’ai commencé, à l’age de dix ans, une longue série de tentatives de suicides dont je ne sais pas si je verrai un jour la fin. En fait, je n’ai jamais réellement souhaité mourir, c’était des appels au secours que je n’ai pas su envoyé puisque j’ai toujours caché mes actes à tout le monde. Je n’ai eu le courage de lancer cet appel à l’aide qu’à Noël dernier à mes parents en me taillant les veines juste avant d’aller les réveiller. Mais je n’ai pas réussi à faire sortir les mots de ma bouche, ils se sont inquiétés mais n’ont pas compris.Je les aime, mais je n’arrive pas à leur parler de ce qui est une honte pour moi, je me sens tellement répugnante, tellement sale.

Pour arranger mon estime de soi, lorsque j’avais 19ans, j’ai rencontré un jeune homme avec lequel je me suis engagée dans une relation qui, je le savais, allait être éphémère. Dans cette perspective, j’ai refusé de me donner à lui malgré sa très grande insistance. Quelques mois après m’etre séparée de lui j’ai appris que, quelques jours après notre rupture, il avait abusé d’une fillette, il était alors poursuivi par la justice. Je vais peut être dire quelque chose de choquant, mais je n’ai pas pu me manifester pour témoigner à ce procès car je me sent(ais) coupable : si j’avais « assouvi ses besoins », peut être n’aurait il pas touché à cette enfant et détruit sa vie.

Depuis, ma vie sentimentale n’est bien sur pas des plus simple. Si tout ressurgit aujourd’hui, c’est que j’ai découvert que je pouvais aimer. Mes sentiments se sont penchés vers une amie : résultat de mon passé ou penchant naturel? Je ne le saurai jamais. Elle ne partage pas mes sentiments mais son aide, son écoute et sa patience me sont très précieuses.

Par le passé, j’avais été traitée successivement par plusieurs psychologues car je faisais des maladies psychosomatiques à répétition, ils se contentaient de m’écouter alors que je ne savais pas raconter mon histoire. Ils ont tous fini par me certifier que je n’avais pas besoin d’eux. Il y a quelques jours, j’ai réussi à me dévoiler un peu auprès de mon médecin traitant : il a exactement su comment réagir : il a exprimé avec des mots qui auraient pu être les miens toute ma souffrance intérieure. En l’entendant, j’ai enfin ressenti du chagrin pour l’histoire qu’il me racontait , la mienne.

Depuis, je pleure beaucoup, je rattrape toutes ces années ou je ne me suis pas autorisée à montrer ma douleur. J’ai l’impression d’avancer, et même si ça n’aboutit à rien, cela aura été un espoir extraordinaire.

Merci encore pour ce site et pour avoir bien voulu me lire.

Bon courage à toutes et à tous.

 

Chère Aurélie, ton témoignage aidera sûrement à d’autres personnes qui sont prises dans le mur du silence. Quel courage d’avoir osé dévoiler l’inceste avec ta soeur. Enfin tu as été reconnue dans tes souffrances! J’ai plein de compassion pour toi. Sur ce qui est de ta question: Mes sentiments se sont penchés vers une amie : résultat de mon passé ou penchant naturel? Il semblerait qu’il existerait 2 sortes d’homosexualité: l’une liée au passé d’abus sexuel, l’autre étant naturel acquise dès la naissance. En faisant un travail intérieur avec franchise et authenticité, à un moment donné… tu aurais ta réponse. Ce TRAVAIL THÉRAPEUTIQUE t’aiderait aussi à intégrer les charges émotives et sensitives reliées à ces traumatismes donc à GUÉRIR EN PROFONDEUR. Je te souhaite de parcourir ce Chemin d’Intégration pour que tu puisses jouir intensément de la Vie. Pleures Aurélie…. Pleures… tant et aussi longtemps que tu en as besoin… Cependant fais-le de façon connectée à ton corps pour que l’intégration puisse se faire… Pleurer… rien que pleurer non-connecté… cela ne donne absolument rien… C’est comme si on mettrait un pansement sur un bobo qui ne guérit pas… BIG HUG! BlancheXX