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HOMMAGE AUX PRÉPOSÉS AUX BÉNÉFICIAIRES
UNE VOCATION

Arrivée en juillet 1989 à Chicoutimi pour mon entrée à l’UQAC pour la session d’automne, je demeure en arrière du CEV (Centre d’entraînement à la Vie). Un centre pour handicapés intellectuels, de moyens à graves. Ce centre a des maisons supervisées pour les personnes handicapées intellectuels plus légers et aussi avec d’autres problématiques comme traumatismes crâniens, dystrophie musculaire, etc.

Durant cette période, je vais à l’université à temps plein et je suis monoparentale avec 2 enfants de 4  et 11 ans. La dernière a, elle aussi, un handicap intellectuel léger.  Tous les jours, à l’extérieur, mes 2 filles communiquent avec les bénéficiaires du CEV par le grillage qui les séparent...

Évidemment, à l’université avec deux jeunes enfants, c’est vraiment difficile financièrement.  Dans ma recherche d’emploi, je découvre que le CEV a besoin de préposés aux bénéficiaires.  Les tâches que j’aurai à accomplir pour prendre soin d’eux à tous les niveaux : les laver, les habiller, les faire manger, faire de la relation d’aide, de la réadaptation sociale, etc.  Alors, non seulement pour m’aider à joindre les deux bouts, mais aussi pour prendre soin de ces personnes vulnérables qui ont tellement besoin d’amour et de présence, je décide d’appliquer au CEV.  

Lors de l’entrevue, évidemment plusieurs questions me sont posées.  Je suis  très à l’aise d’y répondre.  Sachant que j’étudie en psychologie...  que c’est quand même un travail extrêmement exigeant,  que ce soit physique que psychologique, ils me demandent pourquoi j’applique justement pour cet emploi.  Tout naturellement, je leur dis que je sais que je peux aider ces personnes qui ont besoin qu’on prenne bien soin d’eux avec respect... que j’ai beaucoup d’amour à leur offrir... que j’ai moi aussi une fille qui a un handicap intellectuel léger... que je sais que je saurai accomplir ce travail sans hésitation.  Ils se regardent... Je vois dans leur regard qu’ils sont heureux d’avoir trouvé la candidate idéale pour le poste à combler.  Toutefois, ils m’avouent qu’ils ont d’autres candidats à rencontrer... qu’ils me reviendront dans une couple de semaine pour me dire si ma candidature a été retenue.  Je repars le cœur toujours chaud et enjoué.  Je sais intuitivement que j’ai obtenu ce poste. J’avais bien spécifié que ce n’était qu’un emploi d’été... Jusqu’à ce que je recommence l’université à l’automne 1990. 

Que deux, trois jours après, je reçois l’appel décisif du CEV.  Ils ont retenu ma candidature.  Je commence rapidement à travailler dans une maison supervisée à quelques minutes de mon appartement.  J’apprends sur le tas tout le travail que j’ai à faire.  Comment me servir des installations pour monter et descendre les bénéficiaires dans le bain ou dans leur lit; comment les faire manger et saisir quels sont les besoins particuliers de chacun-e, etc.  Dans ce temps-là, il n’y avait pas de formation... Il fallait apprendre sur le tas... se débrouiller... faire preuve d’initiative, de dévouement, de patience, d’’écoute, d’avoir d’un bon jugement et surtout avoir le cœur ouvert.  Je n’avais pas de pitié pour eux... que de la compassion.  Car la pitié n’aide personne.  Je considérais ces bénéficiaires comme des personnes entières dans leur respect et leur dignité. 

Les dirigeants du CEV ont constaté à quel point les bénéficiaires étaient bien en ma compagnie... que je prenais bien soin d’eux et d’elles, et évidemment que j’accomplissais toutes les tâches demandées.  On m’a alors offert de travailler dans une 2e maison supervisée.  Finalement, moi qui devait travailler à tems partiel, je me ramasse alors à temps complet.  Dans cette 2e maison supervisée, il y a surtout des personnes ayant un handicap intellectuel léger.  Je fais de la réadaptation sociale en leur montrant à bien vivre en appartement. Évidemment, je fais aussi de la relation d’aide. J’aime beaucoup ce travail d’été.

Le temps est venu de reprendre mes études universitaires à temps plein.  Alors comme prévu, je quitte mon travail du CEV.  Ils ont bien essayé de me convaincre de rester.  Si j’avais pu... j’aurais continué d’apporte mon aide à ces merveilleuse personnes au cœur d’or.  Toutefois, cela m’était impossible.  L’essentiel était de bien prendre soin de mes propres enfants, poursuivre mes études, et sans entrer dans les détails, traverser les obstacles difficiles face à la DPJ et la protection de ma fille aînée qui en avait bien besoin.  Une période très difficile.

Tout cela pour dire, que durant une période, j’ai expérimenté le travail de «Préposé aux bénéficiaires», j’en ai été très heureuse... À ce moment-là, j’étais à ma place... J’étais là où je devais être... Ces êtres humains et leur vulnérabilité m’ont beaucoup appris.  J’étais à leur écoute... mais j’étais aussi à l’écoute du miroir qu’il m’était reflété... Au lieu de repousser ce miroir, je l’honorais et travaillais sur ce qui pouvait émerger... Leurs douleurs mettaient en évidence mes propres douleurs intérieures.  Le reflet de leur bonté, de leur spontanéité, de leur simplicité, de l’amour pur qui habitaient au tréfonds de leur cœur rebondissait envers mes propres qualités intrinsèques qui me rappelaient le pourquoi j’avais été attiré comme un aimant vers eux.  Malgré mes bas salaires, j’ai quand même choisi de travailler auprès d’eux.  Ils ont droit à une meilleure existence malgré leur handicap, malgré leur vulnérabilité.

Plus de trente ans plus tard, il est vraiment regrettable que cette profession n’est PAS ENCORE RECONNUE comme elle devrait l’être. Ces professionnels «ESSENTIELS» à notre société sont ENCORE SOUS-PAYÉS pour le TRAVAIL EXIGEANT qu’ils ont à accomplir.  Je considère que pour travailler dans ce domaine que je qualifierais de vocationnel, demande une force particulière et une belle délicatesse.  Ce n’est pas pour rien que peu de gens sont attirés dans ce domaine.  Bien sûr, il y a des personnes qui ont la vocation... mais celles-ci doivent être aussi être en mesure de recevoir des salaires convenables et décents pour les tâches difficiles qu’elles ont à accomplir.  Particulièrement en cette période de pandémie du COVID-19 où la RÉALITÉ EST REFLÉTÉE... Et elle n’est pas belle à voir cette réalité!  Surcharge de travail, épuisement émotionnel, bas salaires, difficulté à joindre les deux bouts, etc.  

«Je viens de vous partager une partie de mon existence
en tant que «préposée aux bénéficiaires» en 1990.
Et aujourd’hui, en 2020, l’existence difficile et inacceptable
de nos «préposés aux bénéficiaires» et de nos aînés qui ont besoin pressant de leurs soins. »

Je vous invite à prendre conscience que le manque de reconnaissance de cette profession, le déséquilibre dans les charges de travail, les salaires médiocres n’aident pas à leur propres difficultés de la vie qu’ils ont à faire face comme tout le monde.  Et de ce fait, les bénéficiaires en payent les frais... même ils en meurent...  Nous avons besoin que les dirigeants de notre société puissent avoir du CŒUR, de la LOGIQUE et qu’ils redressent cette situation rapidement en posant des «ACTIONS CONCRÈTES» pour enrayer la pénurie et l'éniquité salariale des « Proposés aux bénéficiaires »  pour  qu'eux ainsi que les «Bénéficiaires» puissent avoir leur propre place dans le monde et pouvoir vivre dans la DIGNITÉ, le plus paisiblement possible. Apporter l’HARMONIE FINANCIÈRE, PERSONNELLE ET SOCIÉTALE. 

En toute SOLIDARITÉ avec tous les «PRÉPOSÉS AUX BÉNÉFICIAIRES» qui sont en CONFINEMENT ou qu’ils sont sur le FRONT pour PRENDRE SOINS des NÔTRES.

MERCI POUR VOTRE PRÉCIEUX TRAVAIL!

 

Blanche Landry, Thérapeute spécialisée
(ancienne «Préposée aux bénéficiaires»)
Sainte-Adèle, QC. (Canada)
France ( Europe)
Bur.:  450.322.2142
contact@blanchelandry.com
http://blanchelandry.com

Le 16 avril 2020